Nil Cabasilas, Sur le Saint-Esprit. Introduction, texte critique, traduction et notes par le Hiéromoine Théophile Kislas, Paris, Éditions du Cerf, 2001, 494 pages (« Théologie byzantine »).
Le théologien byzantin Nil Cabasilas (vers 1285-1363), bien qu’il ait été l’un des plus importants disciples de saint Grégoire Palamas et archevêque de Thessalonique, reste méconnu. D’une part il a été souvent confondu avec son neveu Nicolas Cabasilas au profit de celui-ci, d’autre part la plus grande partie de son œuvre est restée jusqu’à ce jour inédite.
Moine du Mont-Athos, le Père Théophile Kislas, diplômé de l’Université de Thessalonique (où il fut l’assistant du Professeur P. K. Christou, l’éditeur des œuvres de Grégoire Palamas) et docteur de l’Université de Strasbourg, commence par évoquer, dans son introduction, le contexte historique qui a précédé et accompagné la vie de Nil, marqué surtout, sur les plans dogmatique et ecclésiologique, par la querelle hésychaste et par les tentatives de rapprochement entre l’Église byzantine et l’Église romaine. On trouve dans ce premier chapitre une étude fort intéressante de l’activité des théologiens latins dans le monde byzantin au XIVe siècle.
Dans un deuxième chapitre, il présente la vie de l’auteur et apporte, sur bien des points restés obscurs ou discutés, un grand nombre de précisions et d’éclaircissements décisifs. Puis il présente les écrits de Nil, répartis en quatre groupes : les écrits polémiques antilatins, les écrits hésychastes, les écrits divers et les codices autographes. Un examen soigneux de la tradition manuscrite lui permet, ici aussi, d’apporter bon nombre d’éléments nouveaux.
Dans un troisième chapitre, il s’attache à présenter et à analyser le Traité sur la procession du Saint-Esprit, qui est la principale œuvre théologique de Nil Cabasilas mais aussi le plus volumineux corpus qui ait été consacré à cette question dans le monde byzantin et post-byzantin. Il examine successivement : la date, les circonstances et la visée de sa composition ; son contenu ; ses sources (une comparaison est établie à cette occasion avec la méthode et le contenu des traités antilatins de Barlaam le Calabrais d’une part et de saint Grégoire Palamas d’autre part) ; son influence sur les auteurs byzantins contemporains et ultérieurs, ainsi que dans le monde slave.
Dans un quatrième chapitre, il présente la tradition manuscrite de l’ensemble des œuvres de Nil Cabasilas, développant et précisant, la connaissance qu’on en avait jusqu’alors.
La deuxième partie du volume propose, sur près de deux cent cinquante pages, la première édition du texte grec et la première traduction de la plus importante partie du Traité sur la procession du Saint-Esprit : les cinq Discours sur le Saint-Esprit.
Située dans un contexte de discussions avec la théologie latine de la procession du Saint-Esprit à une époque où les Dominicains exerçaient une influence à Constantinople et où les œuvres majeures de Thomas d’Aquin venaient d’être traduites en grec, l’œuvre de Nil Cabasilas exprime la position byzantine sous une forme nouvelle, adaptée à l’esprit de ces nouveaux interlocuteurs. Dans le cadre du débat sur la question du Filioque — qui reste aujourd’hui encore le principal point de divergence théologique entre l’Église orthodoxe et les confessions occidentales —, l’intérêt des Discours sur le Saint-Esprit réside non seulement dans l’argumentation critique qu’ils présentent, mais encore dans l’analyse de la théologie trinitaire byzantine qu’ils développent. En raison de ce caractère développé, mais aussi rigoureux, précis, et bien informé des sources, le traité de Nil a servi, dans les siècles qui ont suivi sa rédaction, comme manuel de référence aux Byzantins dans leurs discussions avec les Latins sur la question de la procession du Saint-Esprit et constitue donc une pièce majeure du dossier historique et théologique concernant ce débat toujours actuel.
Jean-Claude Larchet