17 septembre 2007
Le témoignage de Florence Hartmann sur le Tribunal Pénal International. De Prague à Moscou, malaises recommencés à l’Est. Ben Laden, Bush et les Nestoriens d’Irak. Du Ramadan au Motu proprio : remarques théologiques. Axios, Daniel de Bucarest !
Paix et châtiment de Florence Hartmann… L’ancienne journaliste du Monde, devenue porte–parole de Carla Del Ponte, procureur général du TPIY, raconte, indignée, la cavale tranquille du chef des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, officiellement recherché pour crimes contre l’humanité, officieusement protégé par les plus hautes autorités occidentales…Et détaille au passage le travail d’obstruction réalisé par les Américains lors du procès Milosevic, notant que les « principaux négociateurs » des nouvelles guerres des Balkans en ont été « les grands absents », privés de témoignage par leurs gouvernements. Preuve s’il en était besoin, depuis les réquisitoires hallucinés du stalinien Nikitchenko à Nuremberg, que la justice internationale ne saurait disposer de magistrats qui ne seraient pas aussi parties, qu’elle repose sur l’illusion de la paix perpétuelle.
Dernières nouvelles de l’Est. A Sofia, la presse a révélé que Gueorgui Parvanov, le président de la république, collaborait avec la police secrète sous la dictature communiste. A Prague, le président Vaclav Havel a demandé à ce que des observateurs internationaux contrôlent le prochain scrutin polonais. A Cracovie, précisément, l’archevêque et cardinal Stanislaw Dziwisz, ancien secrétaire particulier de Jean Paul II, a réclamé l’arrêt de la très intégriste, très autoritaire, et très antisémite Radio Maryja, qui se revendique de la Vierge noire de Czestochowa. A Kiev, les débuts de la campagne électorale laissent présager les plus basses manipulations d’images. A Moscou, Vladimir Poutine se donne un nouveau Premier ministre en la personne de Victor Zoubkov dont la principale qualité est d’être inconnu. Rien ne va plus ? Mais depuis quand au juste ? Prophétie de Soljenitsyne : à l’instar des Hébreux interdits de Terre Promise pour avoir vénéré le Veau d’Or, il nous faudra quarante ans, et la mort de tous ceux qui ont goûté à la manne communiste, pour que guérisse définitivement l’autre Europe.
Ben Laden de retour sur nos écrans au moment où George Bush, sur le modèle du Vietnam, envoie un éminent militaire, le général Petraeus, devant le Congrès pour annoncer le retrait des forces américaines d’Irak. Tout a été dit sur cette guerre de toutes les infortunes. Reste le projet qu’a Washington de rassembler les chrétiens autour de Ninive, la ville d’Isaac « le Syrien », en une sorte de bantoustan sécuritaire qui ne tarderait pas à se révéler ghetto, prison, puis tombeau. Jadis, l’empire britannique s’était ainsi distingué dans l’organisation involontaire de massacres à retardement sur les lieux qu’il quittait. Que l’Amérique, donc, y pense : des désastres sans nombre qu’a entraîné ce conflit insensé, la disparition des Nestoriens, chaînon vivant de notre lien à Abraham, constituerait une tragédie irrémédiable pour l’entière humanité. Et que les Nations- Unies, qui après tout s’y connaissent en espèces menacées, s’en soucient sans attendre.
Début du grand jeûne annuel pour les musulmans. « Ramadan : la pratique augmente, les pressions aussi » explique Sophie de Ravinel dans Le Figaro. On ne saurait mieux dire une certaine fatalité des formes religieuses. Là où, précisément, la France pourrait offrir à l’islam une autre épreuve de lui- même que la seule socialisation des pratiques, se contentera-t-on de consolider à tout crin un identitarisme blessé ?
Indémêlable affaire que celle du Motu Proprio de Benoît XVI qui est entré en vigueur ce vendredi 14 septembre, sans « faire recette » à en croire la une de La Croix. Je ne peux dresser ici le commentaire qu’appellerait cette crise d’abord française, qui dépasse de loin la question liturgique, qui remonte à 1789, et dont les grands protagonistes demeurent Marc Sangnier et Charles Maurras plutôt que Paul VI et Marcel Lefebvre. Deux ou trois remarques cependant, pèle - mêle : lorsqu’une communauté latine traditionaliste est reçue dans l’Orthodoxie (par exemple comme il arrive assez souvent au sein du Doyenné de rite occidental d’Amérique), on lui demande instamment de corriger le canon de la messe dite « de Saint Pie V » en y adjoignant une épiclèse afin de le rendre parfaitement traditionnel ; par ailleurs, il serait impensable qu’il puisse être laissé à l’appréciation d’un prêtre, issu d’une telle communauté et reconnu dans ses ordres, de participer ou non, selon son gré, à une liturgie épiscopale rassemblant le clergé diocésain, et tout particulièrement durant la Semaine Sainte ; enfin que le lieu de l’unité est la communion eucharistique elle- même et qu’il y a quelque difficulté, toujours pour un orthodoxe, de voir le pape en décider seul. Cela dit, et une fois rappelée la grandeur des textes de Vatican II, quitus à mes amis « tradis » sur la tragédie esthétique, et donc irrémédiablement théologique, que représente la messe « moderne ».
Que Daniel ait été le candidat naturel au trône patriarcal de Bucarest, que son élection soit une bonne nouvelle pour son peuple et pour le plérôme, qu’il sache accompagner au mieux la Roumanie sur les chemins de l’Europe, qu’il s’impose assez vite comme le meilleur et le plus sûr des théologiens parmi ses frères primats de l’Orthodoxie, qu’il devienne enfin l’un des grands témoins de l’Évangile au sein de la mondialisation, cela, tout cela me semble évident. Il en a les qualités, toutes les qualités. D’où la seule question qui compte, et qui est aussi le défi qui l’attend : saura- t-il réconcilier l’absolu du monastère, comme figure incessible de la tradition, avec les réformes, relatives mais nécessaires, que réclame la modernité ? Ad Multos Annos, Béatitude !
Jean-François Colosimo