La rumeur du monde (Ségolène, Kadhafi, Colonna, et les autres). Réal -théologie : encore Rome (la note doctrinale sur l’évangélisation) encore l’Irak (questions à Bernard Kouchner), encore le Kosovo (et toujours l’imminence de la crise).
La rumeur du monde, donc... Et sur laquelle il me faut vite passer tant l’actualité proprement théologique est, cette semaine, forte et dure. A grande allure, cependant, sous forme de notes éparses : 1) le livre de Ségolène Royal ? Elle y confirme s’entourer volontiers de Jean-Pierre Chevènement et de Bernard Henri Lévy que tout, pourtant, oppose. Mais quoi, dira-t-on, Nicolas Sarkozy ne réunit-il pas autour de lui Henri Guaino et Emmanuelle Mignon qui campent deux droites pour le moins distinctes ? Oui, mais la différence est que ces deux derniers s’entendent au moins sur la France. Le défaut majeur du « ségolénisme » reste son incapacité à affirmer un clair amour du pays. 2) Kadhafi à Paris ? On a entendu les lamentations de mise, les justifiées comme les injustifiées - et même celles qui, si elles n’étaient pas commanditées, n’ont pas moins rendu grand service en désamorçant le débat par l’intériorisation, menée tambour battant, de la critique jusqu’au sein du gouvernement (Rama Yade). Reste un fait : le « Guide » est le meilleur financier, aujourd’hui, à l’échelle globale, d’un islam sunnite réfractaire à l’emprise du wahhabisme saoudien (et ce n’est pas rien). 3) Colonna, enfin ? La perpétuité sans la peine de sûreté : voilà, dans quelque sens que l’on interprète la mesure, qui ne peut manquer de questionner le fond inévitablement politique de ce procès.
« Le Vatican a publié vendredi une note doctrinale qui souligne le devoir pour tous les croyants d'évangéliser les non-catholiques, y compris les membres d'autres religions chrétiennes, en évitant cependant toute pression indue», annonce l’AFP. Du rejet du relativisme au rejet du pluralisme, ce document, qui ambitionne de « mettre un terme à la confusion », et qui réfute la notion d’ « ingérence » pour y substituer celle de « don », porte indubitablement la marque de Benoît XVI. C’est d’ailleurs son successeur à la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi - l'ex-Saint Office -, le cardinal William Joseph Levada qui en a assuré la publication. L’exégèse qu’il en a donnée lors de la présentation à la presse a le mérite de la clarté. Morceau choisi du document : «L'évangélisation a lieu aussi dans les pays où vivent des chrétiens non catholiques, surtout les pays de vieille tradition et d'anciennes cultures chrétiennes», elle exige en conséquence «un véritable respect pour leur tradition et pour leur richesse spirituelle et un sincère esprit de coopération», mais «si un chrétien non catholique pour des raisons de conscience et dans la conviction de la vérité catholique», demande à le devenir, «il faudra respecter sa requête œuvre de l'Esprit Saint». Commentaire de Levada : si « L'Eglise catholique est en Russie pour offrir une pastorale aux catholiques de ce pays et non pour faire du prosélytisme », néanmoins « des Russes veulent rencontrer l'Eglise catholique, et à l'ouest l'Eglise orthodoxe russe a aussi ses communautés et agit de même ». On aura là de quoi méditer à Moscou ; l’attaque est claire : Rome nie la conception du « territoire canonique » (le monopole de juridiction) que le patriarcat lui oppose dans l'ancien bloc soviétique, et surtout passe outre les accusations de prosélytisme que lui adressent les orthodoxes depuis la chute du Mur de Berlin. Dont acte. Il y a là de quoi, certainement, réviser un certain vocabulaire œcuménique, entretenant le flou quant aux « Eglises- sœurs » et autres « hospitalités eucharistiques ». On ne saurait oublier pour autant qu’un un front extérieur peut cache un front intérieur : le cardinal Walter Kasper était absent de cette présentation. Le 23 novembre, il avait même publiquement demandé, rappelle Henri Tincq dans Le Monde, que l’on veille à ce que la communication du Saint-Siège évite de « blesser la sensibilité des autres chrétiens ». Il n’aura pas été entendu. Mais son absence résonne du débat ouvert, presque polémique, qu’il avait eu, lors du pontificat précédent, avec celui qui était alors le cardinal Ratzinger sur la nature de l’Eglise. Le clivage existe. Aux orthodoxes de savoir l’éclairer à la grande tradition des Pères et des Conciles. Et pour ce faire, de commencer par témoigner de leur propre unité.
Oui, il faut rendre grâces à Bernard Kouchner d’ouvrir les portes de la France aux réfugiés chrétiens d’Irak. Non, il n’est pas sûr que ce soit là tout de la solution et les chefs des Eglises, à Bagdad et dans le reste du pays, ne cessent d’ailleurs d’alerter sur le risque majeur, pour toute l’équilibre de la région, que représenterait un exode total. Un biais tempéré d’action tiendrait sans doute à favoriser le départ ceux qui ont déjà gagné Alep ou Beyrouth et qui, on le sait, ne reviendront plus, tout en aidant au maintien de ceux qui sont à Kirkuk et à Ninive. Car dans l’immense malheur irakien, ne nous y trompons- pas, la sollicitude de la France vaut lueur d’espoir.
Bruxelles entend dépêcher une commission au Kosovo. Pourquoi pas ? C’est d’un traité international, garantissant les droits des monastères, dont la paix a besoin.
Jean- François Colosimo
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