Père Païssios, moine du Mont-Athos, Le vénérable Georges (Hadji-Géorgis), Moine du Mont-Athos (1809-1886). Traduit du grec par Sœur Svetlana Marchal avec la collaboration des sœurs du monastère Saint Jean le Théologien, Éditions du Monastère Saint Jean le Théologien, Souroti de Thessalonique, Grèce, 9e édition, 2007, 103 p.
Ce petit livre, écrit par le Père Païssios, l’un des plus grands et plus célèbres spirituels orthodoxes du XXe siècle, retrace la vie et brosse le portrait d’un grand ascète athonite du XIXe siècle, le Père Georges, dont le nom est précédé de Hadji, mot turc qui désignait les personnes ayant effectué un pèlerinage aux Lieux Saints.
Le Père Païssios n’a connu ni le Père Georges ni ses disciples, et c’est auprès de ses petits-enfants spirituels de la Sainte Montagne qu’il a pu, dans les années cinquante du siècle dernier, recueillir les informations qui lui ont permis de composer cette hagiographie.
Le Père Georges manifesta dès son enfance un goût prononcé pour l’ascèse. Devenu moine au Mont-Athos alors qu’il était encore adolescent, son rayonnement ne tarda pas à attirer auprès de lui de nombreux disciples qui constituèrent plusieurs communautés sur la Sainte Montagne et en dehors. La Père Georges donna comme règle à ces communautés la prière continuelle et le jeûne perpétuel intégral, c’est-à-dire outre l’abstention de tout produit d’origine animale, l’abstention de toute graisse végétale même les jours où sa consommation est autorisée. Cette dernière pratique, attira au Père Georges et à ses disciples, de la part d’autres moines et de certaines autorités ecclésiastiques, le reproche d’outrepasser les canons.
C’est en ces termes que Hadji-Géorgis prit la défense, auprès du métropolite qui les persécutait, de deux de ses disciples vivant sur l’île de Chios: «Celui qui jeûne humblement, en se considérant pécheur, ou encore par ascèse ou amour de Dieu, n’est pas lié par les règles des Saints Pères. Nous en avons des témoignages provenant de nombreux endroits. Bien des saints, comme saint Jean Chrysostome, ont passé toute leur vie en se nourrissant d’herbes, d’autres de légumes secs. Saint Jacques, le Frère du Seigneur, n’a pas mangé gras ni goûté de nourriture animale sa vie durant. De nombreux ermites ont fait de même, et moi aussi, le plus petit de tous! Nous sommes environ trente frères dans une Kellya et tous nous menons une telle vie (moi, depuis quarante ans): nous ne mangeons jamais gras même à Pâques et gardons l’abstinence d’huile les jours où la dispense d’huile est permise. D’autres ascètes encore mènent la vie hésychaste, certains par deux, d’autres par trois, et eux aussi passent toute leur vie dans le jeûne. Si l’on jeûne de façon aveugle et dogmatique, on est lié par les règles, mais pour les “lutteurs”, il est écrit: “Pour le juste, il n’est point de loi” (cf. 1 Tm 1, 9) et “Le lutteur s’abstient en permanence” (cf. I Co 9, 25). Qu’ils accomplissent maintenant leur jeûne avec la prière et la bénédiction de Votre Sainteté, afin que leur conscience ne les accuse pas de désobéissance. Le moine doit être un bon exemple pour le peuple. “Que votre lumière luise devant les hommes” (Mt 5, 16). D’autant plus qu’aujourd’hui, il vous est grandement nécessaire, en tant que pasteur, d’avoir le souci de lutter contre ceux qui combattent le jeûne, car les chrétiens ont bien dévié du droit chemin. Tantôt par des menaces, tantôt par des conseils, apprenez leur à ne pas transgresser les canons des Saints Pères et des Conciles de notre Église. [...] Mais ne détournez pas les frères qui veulent jeûner sans mauvaise intention. Réjouissez vous, au contraire, de les voir pratiquer l’ascèse! Réjouissez vous d’avoir de tels hommes dans votre diocèse, et qu’ils soient votre fierté. S’ils en ont besoin, aidez les! J’espère que votre récompense sera grande pour avoir pris soin de tels hommes! »
Beaucoup de moines et de personnalités russes venaient prendre conseil auprès du Père Georges, après sutout, qu’il eut préservé miraculeusement le tsar et sa famille d’un grave accident. Cela attira la jalousie de certains moines russes qui, associés à certaines moines grecs, le calomnièrent et obtinrent de le faire exiler à Constantinople. Le Père Georges supporta cette injustice dans un esprit véritablement chrétien, et la description de ce qui furent alors son état d’esprit et son attitude n’est pas l’un des moindres enseignements de ce livre.
Ces quelques extraits de la conclusion du Père Païssios donnent un bon aperçu de la riche personnalité spirituelle du Père Georges : « Hadji Géorgis aimait tous les hommes d’un amour vrai. Il était toujours paisible, sans malveillance et pardonnait à tous. Il avait un grand cœur, accueillant tout et tous, tels qu’ils étaient. Il s’était, en quelque sorte, libéré de la matière. En menant la Vie Angélique, il était devenu comme un ange et s’était envolé aux Cieux, car il n’avait plus ni passions de l’âme ni possessions matérielles. Il donnait tout! Aussi vola t il bien haut! [...] Il était comblé de vertus et de forces divines, qu’il offrait, ainsi que tout son être, au service de son prochain. Il prêchait le Christ, même de loin. Il accomplissait des miracles, avait des visions divines et possédait le charisme de clairvoyance. Il avait la Grâce de Dieu en abondance. [...] Comme le saint Vieillard eut à souffrir injustement de la part des hommes, je crois que le Christ l’a jugé digne de la double couronne: de saint moine et de martyr! [...] Ces quelques pages laissent percevoir la sainteté du moine Georges! Le saint Vieillard s’efforçait naturellement de vivre dans l’ombre, comme le font d’habitude les Saints Pères de notre Église. Aussi le peu que je sais et écris de lui ne lui rend il pas entièrement justice. Il est sans importance que notre Église ne l’ait pas encore proclamé saint, pour lui accorder l’auréole. L’important est la vie lumineuse de l’Ancien, son exemple simple, silencieux et bienveillant.»
Jean-Claude Larchet