Miracles de la sainte Ceinture, Éditions du Saint et Grand Monastère de Vatopaidi, Mont-Athos, 2007, 175 p. (en grec).
Parmi les nombreuses reliques que s’honore de posséder le Grand et Saint Monastère de Vatopaidi au Mont-Athos, la plus précieuse est sans aucun doute la Ceinture de la Mère de Dieu, qui est la seule relique de sa vie terrestre qui ait été préservée. Selon une ancienne tradition, cette Ceinture aurait été tissée en poils de chameau par la Mère de Dieu elle-même, et après sa Dormition, lors de son transfert dans les Cieux, elle l’aurait donnée à l’apôtre Thomas. La relique aurait ensuite été conservée par deux pauvres femmes pieuses de Jérusalem qui avaient servi la Mère de Dieu au cours de sa vie terrestre, puis aurait été transmise au sein de leur famille de génération en génération jusqu’à qu’elle entre en possession des empereurs de Constantinople.
Elle échut d’abord à l’empereur Arcade, fils de Théodose le Grand (395-408) qui la transféra à Constantinople. Quelques années plus tard, l’impératrice Pulchérie fit construire, non loin de Sainte-Sophie, l’église des Chalkoprateia et y déposa la précieuse Ceinture. Sans que l’on sache pourquoi ni comment, la relique se retrouva ensuite dans l’évêché de Zèla, proche d’Amasée dans le Pont, et fut transférée de nouveau à Constantinople sous le règne de l’empereur Justinien (527-565), dans la même église des Chalkoprateia.
Détruite par un tremblement de terre, cette église fut restaurée par Justin II (565-578) et son épouse Sophie, qui y firent bâtir une chapelle spécialement destinée à abriter la sainte Ceinture. Un grand nombre de miracles furent accomplis par la sainte relique dont les vertus thérapeutiques furent notamment célébrées par le patriarche de Constantinople Germain Ier (715-730) et par Joseph l’Hymnographe (816-866). Zoé, l’épouse de l’empereur Léon VI le Sage (886-912), bénéficia de l’un de ces miracles en 888. Tombée gravement malade, elle eut la révélation qu’elle obtiendrait la guérison par l’imposition de la Ceinture de la Mère de Dieu. L’empereur fit aussitôt briser les scellés de la châsse qui la contenait, et la remit au patriarche. Dès que celui-ci eut déployé la Ceinture sur la tête de l’impératrice, celle-ci fut délivrée de sa maladie. En témoignage de sa gratitude, elle broda des fils d’or dans la Ceinture, lui donnant l’aspect qu’elle a encore aujourd’hui. Autour de 1150, la relique se trouvait au sein du grand palais de Constantinople, dans l’église Saint-Michel. C’est à cette époque, où régnait l’empereur Manuel Ier Comnène (1143-1180), que la date de la célébration liturgique de «la Déposition de la précieuse Ceinture de la Toute-Sainte Mère de Dieu en l'église des Chalkoprateia» fut fixée au 31 août. Peu de temps après, le tsar de Bulgarie Jean Asen (1187-1196), ayant vaincu l’empereur Isaac II Ange (1190), s’empara de la croix-reliquaire dans laquelle se trouvait un fragment de la sainte Ceinture. Reprise par les Serbes après une bataille contre les Bulgares, la sainte relique fut ensuite offerte par le saint prince Lazare (1371-1389) au monastère athonite de Vatopaidi dont il était à cette époque le principal bienfaiteur. Selon d’autres sources cependant, ce fut l’empereur Jean VI Cantacuzène (1341-1354) qui fit au monastère ce cadeau.
On doit noter que plusieurs versions existent quant à transmission de la Ceinture dans les premiers temps, la distinction entre la ceinture et deux robes que la Mère de Dieu avait léguées à ses servantes n’étant pas clairement établie. Plusieurs versions existent également en ce qui concernent le devenir de la relique aux Ve et VIe siècles, et aussi entre le XIIe et le XIVe siècle, ce qui, pour cette dernière période, s’explique peut-être par le fait que, après sa guérison miraculeuse, l’impératrice Zoè divisa la ceinture en trois parts qui eurent des destins différents.
Ce livre publié par le monastère de Vatopaidi, après avoir brièvement retracé l’histoire de la conservation de la sainte Ceinture, présente la description de 113 miracles qui, du début du XIXe siècle jusqu’à nos jours, ont été accomplis par la grâce de la Mère de Dieu dont elle est remplie. Par elle, des couples jusque-là stériles ont pu enfanter, et des personnes de tous âges ont été délivrées de maladies jusqu’alors incurables. La sainte Ceinture a souvent été (et est toujours périodiquement) transportée hors du Mont-Athos pour être proposée à la vénération de tous les fidèles en différents endroits de Grèce, de Crète ou de Chypre, et plusieurs illustrations figurant dans le livre donnent un aperçu des services liturgiques et des processions suivies par de grandes foules qui ont accompagné ces déplacements. Des miracles ont également été accomplis par l’intermédiaire d’objets qui ont été mis en contact avec la sainte Ceinture par des fidèles lors de pèlerinages au monastère de Vatopaidi.
Rappelons que la vénération des reliques, dont la justification dogmatique a été solennellement proclamée en même temps que celle des icônes par le concile œcuménique de Nicée II, reste, à l’égal de celle des icônes, une pratique très vivante dans l’Église orthodoxe.
Jean-Claude Larchet