In memoriam Archimandrite Denis, Hymnographe. Fascicule 1, «Biographie», 97 p.; fascicule 2, «Bibliographie», 97 p.; fascicule 3, «Homéliaire», 20 p. et 16 p. Éditions du monastère Saint-Gény, Lectoure, 2008.
Le décès, le 21 juin dernier, de l'archimandrite Denis Guillaume n’a été suivi d’aucune déclaration ni message de condoléances d’aucune juridiction orthodoxe de France, ce qui est surprenant quant on sait que la grande majorité des paroisses orthodoxes francophones utilisent, pour leurs services liturgiques, les traductions qu’il a réalisées.
Le père Denis Guillaume en a en effet traduit l’intégralité des services liturgiques orthodoxes, et en outre une partie des Ménées russes, grecques, serbes et roumaines, composant aussi pour les saints du sol de France et des pays environnants des services qui n’existaient pas encore, ainsi que de nombreux acathistes.
C’est une œuvre gigantesque pour un seul homme, d’autant plus remarquable que les différentes juridictions orthodoxes qui sont présentes depuis près d’un siècle sur le sol français, et dont certains membres ont la prétention de constituer une Église locale, n’ont pas été capables de s’organiser pour accomplir ne fût-ce qu’1/500e de ce travail de traduction et de composition.
Dans sa tâche, le P. Denis Guillaume n’a été soutenu financièrement par aucune de ces juridictions malgré les immenses services qu’il rendait, et c’est à compte d’auteur qu’il a édité ou réédité jusqu’au dernier des quelques 100 ouvrages liturgiques qu’il a publiés. Beaucoup de paroisses ne l’ont pas soutenu non plus bien qu’elles utilisassent ses textes, qu’elles se procuraient souvent par un copieux photocopillage. Le P. Denis a ainsi passé ses derniers années dans le dénuement, allant jusqu’à lancer, au début de cette année, un S.O.S. dont certains sites orthodoxes se sont faits l’écho.
Il n’a guère été soutenu moralement non plus puisque, handicapé par plusieurs maladies conjointes, la juridiction grecque dont il dépendait n’a pas daigné répondre à sa demande de lui envoyer périodiquement un prêtre pour l’aider à célébrer, et a au contraire nommé, sans l’en informer, un remplaçant pour desservir l’église qu’il avait aménagée à ses propres frais. C’est du seul monastère Saint-Gény de Lectoure (diocèse d’Europe occidentale de l’Église serbe), qui l'a aussi recueilli les derniers mois de sa vie terrestre, qu’il a reçu, autant qu’il fut possible, le soutien escompté.
C’est ce même monastère qui, en trois fascicules imprimés par ses soins, rend hommage à ce traducteur et à cet hymnographe particulièrement fertile.
Le premier fascicule, à travers trois textes, retrace la vie du père Denis. Celui-ci, né en 1933, après de brillantes études devint moine au monastère uniate de Chevetogne, fut ordonné diacre en 1963 à Rome par le métropolite uniate Joseph Slipyj, puis fut rattaché successivement au Collège grec de Rome, au Collegium Russicum de la même ville puis, en 1993, au monastère bénédictin de Parme. Durant ces années, il servit comme archidiacre le patriarche grec-catholique d’Antioche Maximos V et, en quelques occasions, le pape Jean-Paul Ier et le pape Jean-Paul II. Sa principale occupation était cependant la traduction des textes liturgiques de ce qui n’était alors pour lui que le «rite oriental». Bon nombre de ses traductions furent éditées par la « Diaconie apostolique », une institution dont beaucoup ignorent qu’elle fut sa création et qu’il en fut le seul membre, le nom de celle-ci venant du fait qu’il était «diacre» du siège «apostolique» de Rome. Ayant depuis longtemps acquis, à travers son travail, des sympathies pour l’Église orthodoxe, il décida d’y entrer : en 1994 il fut reçu par chrismation dans l’Église orthodoxe de Finlande. Il servit quelque temps comme diacre Mgr Stéphanos, en charge des paroisses grecques du sud de la France, avant d’être ordonné prêtre par lui en 1996. Il fut alors nommé recteur de la paroisse Saint-Antoine de Nîmes, desservant aussi plusieurs autres paroisses : Avignon, Marseille, San Remo, Florence. En 2004, il fut élevé à la dignité d’archimandrite par le métropolite Emmanuel. En 2005, il fonda à Nîmes la paroisse de la Pêche miraculeuse et de Saint-Antoine, dont il devint le recteur. En avril 2008, abattu par la maladie et miné par des intrigues fomentées à son encontre, il se retira au monastère Saint Gény de Lectoure, dont il fut fait abbé honoraire. C’est là qu’il s’éteignit le 18 juin dernier. Pendant toutes ces années et presque jusqu’au dernier moment, le P. Denis poursuivit inlassablement son travail de traduction et de composition. De nombreuses photos illustrent cette partie biographique qui se termine par une lettre du P. Denis dans laquelle il résume toutes les étapes de son existence.
Le deuxième fascicule recense, d’abord chronologiquement, puis thématiquement, et par ordre alphabétique toutes le publications du P. Denis, au nombre de 150 environ (avec cependant parmi elles, beaucoup de rééditions ou de reprises en des structures différentes), avant de proposer deux offices composés récemment par lui : celui de saint Andréol, apôtre du Vivarais, et celui de la dormition de saint Gény.
Le troisième fascicule présente six homélies prononcées par le P. Denis au cours du 1er trimestre 2008.
On peut se procurer, contre une offrande libre, ces trois fascicules en écrivant au Monastère Saint Clair et Saint Maurin, Saint-Gény, BP 65, 32700 Lectoure Cedex.
Tout en saluant le travail immense du P. Denis, on doit honnêtement émettre quelques réserves sur la qualité de ses traductions, souvent faites à la hâte (les spécialiste disent «au kilomètre») et comportant de nombreuses inexactitudes, des ajouts personnels (parfois fantaisistes), et des lourdeurs dues notamment à des inversions se voulant poétiques mais rendant souvent le texte difficilement compréhensible à première lecture. Le P. Denis ayant, pendant de nombreuses années, été à l’écart d’un pratique liturgique concrète et cherchant à publier des textes «universels» (c’est-à-dire utilisables par toutes les Églises), ses indications d’ordo (typikon ou oustav) sont souvent peu fiables dans le cadre de chaque Église locale. Bref, ce travail énorme est un travail de pionnier qui exige d’être repris, corrigé et complété. Et l’on ne peut que souhaiter que dans les différentes Églises présentes dans les régions francophones, des équipes compétentes se constituent pour entreprendre un tel travail qui devrait être considéré comme prioritaire.
Jean-Claude Larchet