Depuis trois ans, l’higoumène du monastère athonite de Vatopédi, fait l’objet d’un acharnement judiciaire de la part des autorités helléniques, relativement à une opération financière contestée par celles-ci. Des indications à ce sujet sont données dans « La lettre aux chrétiens », émanant dudit monastère que l’on trouvera ICI. Rappelons que l’archimandrite Éphrem a accompagné récemment la Ceinture de la Mère de Dieu, relique appartenant au monastère de Vatopédi, en Russie, où plusieurs millions de chrétiens orthodoxes ont pu la vénérer. Peu après son retour en Grèce, le Conseil auprès de la Cour d’appel d’Athènes a pris une décision d’emprisonnement préventif à l’endroit du père Éphrem, et ce le 23 décembre 2011, deux jours avant la fête de Noël. Du point de vue du droit, ladite décision a été critiquée par des juristes chevronnés, car elle la mesure la plus lourde parmi toutes celles que connaît la loi hellénique (par exemple, dépôt d’une caution, interdiction de sortie du territoire, présentation du prévenu à intervalles réguliers à la police), et ce encore pour des actes criminels (Cf. à ce sujet l’interview du professeur Konidaris, de la faculté de droit d’Athènes).
D’aucuns voient ici une provocation et une atteinte aux valeurs chrétiennes, ce qui a déclenché une vague de protestations tant en Grèce et qu’en Russie, d’autant plus que l’higoumène dispose de l’appui unanime des moines de son monastère (
voir texte français ici) et de tous les monastères du Mont Athos, dont l’organe représentatif, la sainte communauté, a publié le communiqué (
traduction française ici). L’archevêque d’Athènes, Mgr Jérôme, quant à lui, s’est
déclaré « étonné comme, au demeurant, tout chrétien, de la prise de décision d’incarcération préventive de l’higoumène Ephrem la veille de Noël ; comprenne qui pourra ». Un grand nombre de métropolites de l’Église d’Hellade ont également exprimé publiquement leurs protestations. Parmi elles, celles des métropolites Chrysostome de Patras et Ignace de Larissa, résument l’opinion générale. Le premier
écrit : « Cette décision a surpris, mais surtout attristé notre peuple pieux. Il est démontré encore une fois que l’autorité de l’Église et du monachisme est battue en brèche d’une façon qui défie le sens commun et la sensibilité religieuse, et ce au moment où l’on célèbre l’Incarnation du Fils et Verbe de Dieu. On peut se demander à juste titre : l’higoumène Éphrem est-il le problème de la Grèce aujourd’hui ? Celui-ci constitue-t-il un danger pour l’ordre public et la sécurité ? Combien de malfaiteurs et de criminels circulent librement et défient l’opinion publique ? Combien de responsables pour les maux de notre patrie et de notre société restent impunis ? Que penser d’une telle situation ? » À son tour, le métropolite, a fait la déclaration
suivante : « Nous sommes sincèrement affligés de la décision du Conseil auprès de la Cour d’appel d’incarcérer préventivement l’higoumène du monastère de Vatopédi, le père Éphrem. Il s’agit d’un homme qui, par son cheminement dans notre sainte Église et par sa conduite irréprochable a inspiré plus de cent jeunes gens à le suivre sur la voie ascétique, vivant avec lui dans le célèbre monastère de Vatopédi, devenant ainsi les continuateurs des grands pères et ascètes qui ornent le cheminement historique du monastère et du monachisme athonite (…). Et même si le père Éphrem s’était trompé, ce qu’assurément nous ne croyons pas, concernant certains problèmes économiques auxquels nous, clercs, sommes habituellement étrangers, n’ayant en plus aucune expérience à leur sujet, cela justifiait-il qu’il fût soudain déclaré délinquant dangereux, que l’on devait absolument incarcérer ? » En Russie, le ministère des Affaires étrangères a publié un
communiqué, mentionnant l’événement unique que fut, pour le pays, la visite de la Ceinture de la Mère de Dieu et conclut : « Prenant en considération la disposition, exprimée par l’archimandrite Éphrem, de collaborer avec les autorités chargées de l’enquête et, au surplus, l’état de santé dudit ecclésiastique, nous sommes profondément préoccupés par la décision des autorités judiciaires helléniques de le maintenir en détention jusqu’au jugement, en violation des décisions et recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme » . De son côté, le métropolite Hilarion, qui dirige le Département des affaires extérieures du Patriarcat de Moscou a déclaré, dans une
interview à l’agence de presse Interfax (
traduction française) que, si la légitimité des plaintes engagées contre l’higoumène Éphrem relativement à des transactions immobilières « était du ressort de la magistrature hellénique, dans les affaires de laquelle nous ne saurions intervenir », « il est néanmoins absolument évident que l’application d’une peine d’emprisonnement préventif à un homme ne présentant aucun danger, tel que l’archimandrite Éphrem, sans examen sur le fond de l’affaire, et avant la prononciation de la sentence du tribunal, est un événement exceptionnel nous laissant profondément perplexes. Le seul accusé que l’on estime nécessaire d’incarcérer dans le cadre de cette affaire est un clerc relativement âgé et malade. Une telle décision provoque une sérieuse préoccupation chez les fidèles de l’Église orthodoxe russe, éveille la vigilance de ses hiérarques et laisse dans la perplexité quant à ses véritables causes ». Le métropolite ajoute qu’avec « l’arrivée du père Éphrem au monastère de Vatopédi, qui se trouvait dans un état d’abandon, celui-ci a connu une renaissance dans tous les domaines (…) Le père Éphrem est connu non seulement en Grèce, mais dans tout le monde orthodoxe comme un guide spirituel et un zélateur de la vie monastique selon les critères d’une tradition séculaire (…) Pour nous, enfants de l’Église orthodoxe russe, le père Éphrem nous est particulièrement cher après qu’il ait, pendant un mois, accompagné la Ceinture de la Mère de Dieu en Russie, qu’ont pu vénérer des millions de fidèles. Aujourd’hui, ils se demandent comment il est possible que l’higoumène de l’un des plus grands monastères athonites, et l’on peut dire, d’un monastère exemplaire, soit arrêté à son retour de voyage, dans un pays comme la Grèce et, qui plus est, avant la fête de la Nativité du Christ. Leur perplexité est parfaitement compréhensible, de même que le sentiment de nombreux hiérarques, clercs et laïcs grecs qui considèrent que la décision prise à l’égard de l’archimandrite Éphrem est une attaque contre le monachisme athonite et l’Église orthodoxe dans son intégralité ». Malgré le flot de protestations, le père Éphrem, qui s’est rendu à la justice, a été amené en voiture de police à la Cour d’appel d’Athènes. Protestant contre la décision, une foule attendait l’arrivée de l’higoumène scandant le mot « axios » (« Il est digne », acclamation du peuple lors des ordinations sacerdotales). Une video est disponible avec des photos sur le site
Romfea.gr. Le père Éphrem est détenu maintenant dans la prison de Korydallos, dans la banlieue d’Athènes .