Le 28 avril 2012, dans le cadre de sa visite à l’Église orthodoxe bulgare, le patriarche Cyrille de Moscou et la délégation qui l’accompagne, s’est rendu à Plovdiv. À la limite des régions de Sofia et de Plovdiv, le patriarche a été accueilli par le métropolite Nicolas de Plovdiv. Le primat de l’Église orthodoxe russe a visité la Colline des vainqueurs, où il a été salué par les autorités civiles bulgares. Le patriarche, accompagné du métropolite Nicolas, a déposé une couronne de fleurs devant le monument dédié aux héros de la bataille finale de la guerre russo-turque de 1877-1878, près de Phillippopolis (actuellement Plovdiv), ainsi que devant celui dédié aux soldats soviétiques tombés pour la libération de la Bulgarie. Les soldats et les officiers ont chanté « Mémoire éternelle ».
À la fin de la cérémonie, le patriarche s’est adressé à l’assistance par l’allocution suivante :
« Le Christ est ressuscité !
Je me réjouis de tout cœur de la possibilité qui m’est offerte de m’adresser à vous devant deux monuments qui témoignent des victimes du peuple russe ici, en terre bulgare.
Ce que l’homme possède de plus cher, c’est sa vie. Nous savons que parfois, il est difficile de donner à l’autre une part de ses moyens, que ce soit de l’argent, d’autres biens ou même de son temps libre. Chaque sacrifice pour l’autre exige une victoire intérieure. Chaque sacrifice pour l’autre exige une victoire intérieure sur soi-même, une limitation de soi-même, une discipline intérieure et la conviction dans la rectitude de son acte. Ce n’est pas un hasard si le concept de sacrifice est évacué de la vie de l’homme contemporain – l’argent, le plaisir et le confort semblant un but attrayant pour beaucoup. Nous savons que la baisse la natalité, particulièrement dans les pays riches, est conditionnée non par la richesse ou la pauvreté de leurs habitants mais par le fait qu’ils ne veulent pas prendre sur eux des engagements accrus et se sacrifier pour les enfants.
Le concept de sacrifice sort aussi de la vie des hommes parce que beaucoup ne peuvent comprendre cela : pourquoi et au nom de quoi dois-je sacrifier quelque chose pour l’autre ? Nous ne vivons qu’une fois, pourquoi dois-je me détacher de quelque chose et le donner encore à un autre ? La psychologie de la consommation qui devient dominante aujourd’hui, supplante l’idée même de sacrifice.
Nous trouvant en ce lieu, regardant les monuments des Russes qui ont péri ici, sur la terre bulgare, on se demande sans le vouloir quelle signification immense a le sacrifice dans la vie de la société humaine. Si les hommes ne s’étaient pas sacrifiés les uns pour les autres, il n’y aurait pas eu de grandes réalisations et victoires, et on ne sait pas comment serait le genre humain et quelles forces domineraient aujourd’hui sur lui.
Nous inclinons nos cœurs, nos têtes, devant la mémoire des héros qui ont offert un sacrifice au nom d’autres hommes, qui ont donné leur vie. Ne serait-ce que cela, c’est déjà suffisant pour que demeurent ces monuments en l’honneur de ceux qui se sont sacrifiés pour les autres, pour que la mémoire de ces hommes soit gardée à jamais, et que ne sorte pas de la communauté humaine le concept sacré de sacrifice.
J’ai prié aujourd’hui pour ces soldats russes qui, dans leur majorité, sont venus à titre volontaire en Bulgarie suite au décret de l’empereur Alexandre II, afin de libérer ce pays du joug étranger qui durait depuis cinq siècles. Beaucoup, peut-être, ignorent à quel point cette guerre fut dramatique et combien de sang fut versé. Mais ces monuments nous aident à ressusciter dans notre mémoire l’héroïsme et l’esprit de sacrifice qui ont libéré leurs frères avec désintéressement.
Auprès du monument dit « Aliocha » [nom donné au monument au soldat soviétique-libérateur, ndt], j’ai pensé à la multitude des hommes de mon pays qui ont péri en défendant leur patrie et qui ont libéré l’Europe du fascisme. Aussi, il est important qu’aucune historiosophie, aucune interprétation de l’histoire n’efface de la conscience des hommes le respect devant ceux qui ont été prêts à donner leur vie, selon la parole de Dieu, pour leurs amis.
Je suis heureux d’être sur la terre bulgare hospitalière, de rencontrer le clergé, le peuple fidèle, les représentants des autorités. Je me réjouis de d’immerger dans la remarquable atmosphère d’amitié, qui caractérise les liens entre nos peuples. Qu’il en soit toujours ainsi ! Que la bénédiction de Dieu demeure sur la Bulgarie et les pays de la sainte Russie. Que le Seigneur vous garde ».
Source et photographie : Pravoslavie.ru